mercredi, mars 30, 2005

The curious kind

Elle a caressé le téléphone.
Elle a survolé ces radios.
Elle n'a pas crié.

Elle a regardé ces femmes malades,
Ces femmes extrêmes et irréelles.

L'ennui, l'ennui, l'ennui pour rien, pour personne.
Et rien qui s'offusque, rien qui renâcle,
Rien d'important.

Parce que rien qui brille.

Tu fermes la porte.
Tu jettes la clef.
Personne ne saura ce que tu as fait.
Sauf la sirène.

Tes yeux seuls t'observent.
Regard lavande.
Tu cherches le cercle.
Il a disparu.

Tu es un sniper.

mardi, mars 29, 2005

Marco ?....

... mais quelle idée de me passer en douce la cassette de la "confession" de Véronique Sanson !
Enfin... confession... c'est beaucoup dire ! Parce que la blonde dame détruite ne me semble trimballer aucune culpabilité, la veinarde ! Et c'est bien pourquoi on peut l'avaler sans respirer ni suffoquer, sa vie folle.
Tu veux que je te dise, Marco ?
Je sais bien pourquoi tu me la refilée en douce, ta cassette.
Je sais bien et je ne t'en veux pas.
Mais franchement...
Très franchement...

Après l'avoir visionnée de bout en bout et m'être régalée aux souvenirs de mes émois sur "Amoureuse" et tous les autres, et cette voix de dingue, cette voix de folle échevelée que rien ne peut arrêter, surtout pas le pire... je n'ai eu qu'une envie :

Trouver quelque chose à boire.
N'importe quoi.
Et tant pis pour "Bonne vie".
Je n'en veux pas.

Sur ce... ma cave me tend les bras.


PS : Vero ? si tu me lis ? Ce n'est pas ta faute. Promis ! Tu es nickel chrome pour tous les AAA du monde.
C'est juste moi qui n'en veux pas de TA "bonne vie".
Ne t'en déplaise.
Bon vent, ma poule !

lundi, mars 28, 2005

Si la feuille de platane...

Tu es coutumière des paris bêtes.
Le genre à se dire "Si la feuille de platane tombe à droite du tronc, tu recevras une bonne nouvelle...".
Rien n'est plus propice à ce genre de stupidités qui en disent long sur ton état de destruction que ces longs week-end interminables que tous attendent.
Sauf toi, bien sûr.
Tu t'es sentie t'enfoncer au fur et à mesure des minutes, des heures, des jours.
Et ce n'est pas de cliquer sur la page des statistiques de ce forum caché, connu de vous deux et déserté, toutes les deux minutes, dans un mouvement qui passe progressivement du saccadé à l'impatient, puis de l'impatient à l'automatique, et de l'automatique au psychotique, qui adoucit la torture de l'attente.
"S'il apparaît dans les Stats ce week-end, c'est qu'il est vivant et qu'il pense à toi..."

72 heures dans un fauteuil. Il y a beau temps que tu as cessé de compter les minutes, les bouteilles d'eau et les Xanax.
Résignée et au bord de hurler dans ce silence sidéral, tu t'es même résolue, en fin d'après-midi, à appeler ta mère dont tu sais bien qu'elle va t'abreuver d'histoires insignifiantes.
Tout plutôt que ce silence-là.
Entendre des mots, des phrases.
Faire sortir un son de ta gorge desséchée par l'angoisse.
Juste ça.
Et puis t'enfouir de nouveau sous la couette, dans le noir complet pour ne plus laisser ta main se crisper sur la souris dans ce va-et-vient pathétique.
Quand tu t'es réveillée, l'oreiller furieusement enlacé par tes deux bras en sueur, tu as mis du temps à réaliser qu'il faisait nuit.
Tu as hésité une minute à refermer les yeux avec un ou deux somnifères comme compagnons de cauchemars mais tu t'es tout de même relevée pour vérifier tes mails.
Machinalement, tu as cliqué sur l'onglet "chevalet de torture" en l'actualisant.

Il était 23 heures 26...



Tu venais de le croiser à 8 minutes près...

samedi, mars 26, 2005

Le bureau de mon père



Ne vous fiez pas aux apparences.
Sur le vieux cliché jauni et rayé, ça n'est pas le vermisseau hilare rampant avec sa peluche qui est le sujet central : c'est le bureau en arrière-plan.

Mon père a toujours travaillé sur ce bureau. Même le tapis sur lequel je gigote laborieusement est toujours là. Aux couleurs à peine passées.
Le bureau de mon père, c'était, c'est et ce sera toujours ma caverne d'Ali Baba. Mon île au Trésor. Mon chateau dans les nuages.
J'y ai appris à marcher. J'y ai appris à lire. J'y ai appris à me taire quand il travaillait.
J'y ai fait mes devoirs sur la petite tablette magique parce que coulissante devant laquelle je m'installais, face à lui, dans un silence de cathédrale. On la devine plus qu'on ne la discerne sur la photo.
L'autre jour, discrètement, en glissant ma main dessous, j'ai vérifié du bout des doigts que mon prénom y était toujours entaillé au Laguiole... Le sait-il ? Sait-il que j'avais ainsi marqué mon territoire dès mes 7 ans ?

Le bureau de mon père et ses odeurs de vieux cuir, de livres, d'encyclopédies, de copies d'élèves, d'encre et de colle blanche, des boules de gommes Euphon dans le deuxième tiroir de gauche qu'il prenait en début d'année scolaire pour se réacclimater à l'exercice de la parole 6 heures par jour.

Le bureau de mon père où, jeune prof et fauché, il donnait des cours de latin à de grands galapiats que je haïssais cordialement parce que c'était le seul moment où j'étais mise à la porte de mon royaume caché, de mon Avalon.
Ces imbéciles qui renâclaient devant les déclinaisons sans avoir la moindre idée du paradis dont, cruels et négligents, ils m'avaient chassée.
Mes premières envies de meurtre...

Le bureau de mon père, comme le socle de la maison, son épicentre.
Ma pierre de touche.

jeudi, mars 24, 2005

Ce matin, j'aurais pu...

... économiser un Xanax.

Au sortir du naufrage glorieux de ma nuit, c'est-à-dire à l'état d'épave que même un naufrageur débutant dédaignerait comme bois flotté, avant même que de mettre un pied sur la terre ferme, je l'ai gobé comme la baleine avale Jonas : sans même y prendre garde.

Erreur.

Devant l'écran du renard familier roulé en boule comme moi, bol de moka/cacao réchauffant les phalanges, Camille en boucle dans la playlist, je commence par les infos et m'énerve devant le vote de la RIF (on tue Man une deuxième fois ), puis je tombe sur Folie privée...

D'abord, on sourit, puis on rit, puis on s'esclaffe, puis on s'étrangle de rire et le moka/cacao finit où vous savez : encore un fait-divers tragique évité de justesse et c'est toujours pas ce coup-ci que je finirai comme Claude François.
Et puis on se dit que c'est décidément trop bon et on remonte le fil de la rivière jusqu'au bout et d'une traite pour redescendre portée par le courant, sans s'épuiser à pagayer puisque tout vous épuise.

Sauf que la source est amère.
Ça sort de terre à gros bouillons, genre geyser islandais.
On rit moins.
Pas du tout même.

Et puis ça revient petit à petit. Au fil d'une pudeur qui se maquille d'ironie cinglante, d'humour ravageur, de refus de complaisance...
Bref.
C'est là qu'on se dit qu'il faudrait peut-être décoller le nez du papier peint, arrêter de brumiser sa souffrance partout comme autant de gouttelettes de sang.
C'est là aussi qu'on se fait une promesse d'ivrogne (provisoirement abstinente) qui est de cultiver la légèreté, la désinvolture, toutes ces élégances de la douleur cloîtrée.

Allez... cet après-midi, je sors. Je m'habille et je sors. Je vais bien trouver une excuse valable, non ? Tiens ! Je n'ai plus de papier Rizla+ Original ! Ça fera l'affaire comme alibi.
Je vais même essayer de tenter mon saut à l'élastique sans un autre Xanax. Pour voir.
Si vous n'avez plus de nouvelles de moi, c'est que je me serais effondrée comme une petite flaque poisseuse sur un trottoir entre chez moi et le bureau de tabac.

De toutes façons, il FAUT que j'arrive à rentrer autrement qu'en rampant, affolée de terreur par tous ces bipèdes insouciants : ce soir, "La Belle et la Bête" de Jean Cocteau, suivi d'un concert de Charlie Haden (101010, si tu m'écoutes...) et Luchini dans "Rien sur Robert" que j'ai déjà vu la semaine dernière mais comme je vais essayer de faire aussi l'impasse sur le somnifère, la nuit risque d'être très très longue...

Nota à l'intention de Folie qui semble développer une forme d'obsession esthétique sur Mark Dakaskos (ce que je ne trouve pas incompréhensible d'ailleurs), je lui conseille de jeter un oeil sur Justin Kirk...
Non, non, je ne saute pas du coq à l'âne. Suivez la logique :
  • La Belle et la Bête de Cocteau...
  • La scène des flambeaux du couloir...


  • La scène "hommage" de Mike Nichols dans "Angels in America" (à voir absolument si ce n'est déjà fait)...

  • La Belle (Josette Day) remplacée par Prior Walter (Justin Kirk)


Même pas honte...

Et hop ! C'était bon, là, comme essai dans la légèreté ?

Histoire d'O.

Tu écoutes Camille.
Tu te tends pendant "Pour que l'amour me quitte".
Tu t'arcboutes sur "Ta douleur".
Tu blémis sous "Pâle septembre".
Tu lâches prise à "Assise".


O.
Le songe d'O. endormi dans tes bras.
Mais le silence a recouvert chacun de vos mots tracés. Les siens comme les tiens.
Il a refermé les yeux du visage levé vers lui, qui longtemps a eu peur de la mort.
Il a envahi tes lieux familiers d'où le vivant s'est retiré, laissant ton espace sans limite, sans mots pour le dire.
Et c'est tout ton corps qui commence à ressentir l'épaisseur, la densité de l'absence de parole.
Il s'approche, il s'approche, toujours plus près.
Le silence.

A jamais incomplet.
A jamais imparfait.
Impossible arrêt des bruits de la vie, de cette insistance du dehors.
Le bruit du monde ne hante même plus ta mémoire.

Tu n'as gardé en toi que l'essentiel : du visage aimé, l'empreinte indélébile.
La trace du dernier souffle qui seul t'anime encore.

... Et la goutte de cire brûlante que Psyché ne cesse de faire tomber sur le bras d'Éros endormi.

mardi, mars 22, 2005

L'Homme qui est mort de chagrin



Hier, j'ai eu le privilège d'assister à la première d'un documentaire en rapport avec la catastrophe du Prestige (vous vous souvenez tout de même ?).
Depuis hier, des images me hantent.
Un regard halluciné, fou de douleur.
Un corps dont toute force s'évanouit sous les coups de boutoir visqueux du pétrole qui le maquille et l'asphixie en recouvrant son "monde", ses oeuvres.
Des larmes de désespoir mêlées à une volonté farouche qui s'effrite dans une impuissance qui n'a même plus la force de trouver une parade.

Un homme.

L'Homme.

... Man.

"Todos somos Man"... cri de ralliement des Nunca Maís, des Galiciens en révolte, de ces hommes et de ces femmes de l'Océan qu'on assassine comme on a assassiné leur "Aleman".

Et je repense à Thoreau et à sa forêt de Walden.
Thoreau et son manifeste "De la désobéissance civile".
Qu'aurait fait Thoreau si l'on avait déversé de l'agent orange ou du napalm sur sa forêt.
Je crois que contrairement à Man, il ne se serait pas laissé mourir de chagrin et de douleur.
Parce que Thoreau n'ÉTAIT pas sa cabane, son lac ou sa forêt de Walden.
Man ÉTAIT chaque rocher, chaque pierre, chaque grain de sable, chaque friselis d'écume de cette Côte de la Mort dont il avait fait une part de lui-même, dans laquelle il s'était fondu comme dans le ventre d'une mère.

C'est là si vous voulez en savoir plus sur ce film que je ne suis pas prête d'oublier : Compagnie des phares et balises

dimanche, mars 20, 2005

Clown




S
oigner sa rage et sa douleur dans l'autodérision.
Je me sens comme elle, à cet instant précis.
Et je joue au clown même si les clowns me font pleurer.
Regarder le monde au travers du filtre déformant de l'ironie qui s'applique d'abord à soi-même.
Plus facile à dire qu'à faire...

"Dis-moi, mon amour... pourquoi est-ce que je n'aime rien tant que ces moments où tu te tais et où ce que tu es me parvient sans entraves ni détours, juste dans une infime dilatation de ta pupille couleur des mers du Nord ?"

Mais tu n'es plus là pour répondre...

Alors je fais le clown...

Pourquoi est-ce que tu ne ris pas ?
Souris, mon ange, souris...
Ce sont juste des paillettes de perdition transformées en songes drôlatiques avec mes voeux qui volent vers toi...
Souris, mon ange...

vendredi, mars 18, 2005

Répondeur versus Vökuró


Bærinn minn
Le front collé contre le voile d'organza couleur prune, tu t'emplis du chatoiement du lampadaire jaune, déformé par les reflets métallisés du tissu...
bærinn minn og þinn
Rien ne te rafraîchit. Rien n'assouvit ta soif. Même pas le souvenir de ce rêve échevelé de la nuit dernière quand tu retrouvais O. dans d'improbables circonstances...
sefur sæll í kyrrð
La voix de Bjork irradie dans la moindre de tes fibres, comme l'echo d'un media froid et pourtant brûlant...
fellur mjöll
Clignotent les deux petits voyants de ton répondeur. Rouge. Vert. Rouge. Vert. Rouge. Vert...
hljótt í húmi á jörð
A force de les fixer, au bord de la folie, tu n'en discernes plus ni les contours ni les couleurs qui se mêlent dans une sarabande ironique et provocante...
grasið mitt
A quoi bon lire les messages ? "Monsieur Wanadoo informe Mademoiselle Psyché que le prélèvement de son compte a changé. Madame la secrétaire du cabinet immobilier demande à Mademoiselle Psyché de régler son loyer au plus tôt"...
grasið mitt og þitt
Et tu hésites. Effacer les messages qui te raccordent à cette planète folle comme les filins d'outrage qui amarrent les goélettes aux quais ?...
geymir mold til vors
Oui, mais si tu effaces les messages, le répondeur mettra 5 sonneries au lieu de 2 avant de décrocher...

Hjúfrar lind
Tu sais bien que jamais l'appel rêvé ne se faufilera au gré des cables numériques jusqu'à la tête de ton lit mais tu sais aussi que tu n'es pas en état de supporter 10 secondes supplémentaires de souffrance...
leynt við brekkurót
Alors tu laisses les deux voyants clignoter. De toutes façons, tu ne les distingues même plus au travers du rideau de larmes...
vakir eins og við
Et tu quittes la baie vitrée. Roulée en boule, position foetale. Berçant ta douleur dans le nid de ton corps. La caressant comme un animal à apprivoiser...
lífi trútt
"Là... tout doux... tout doux... ne montre plus les dents comme ça... je veux faire la paix avec toi, Madame la Douleur..."...
kyrrlátt kalda vermsl
Elle arrête de gronder. Si tu t'y prends bien, peut-être finira-t'elle par ronronner...
augum djúps
Et on dirait que tu goûtes un bruit à nul autre pareil, le son de sa voix qui te remplit toute...
útí himinfyrrð
Bavarder, batailler, ne pas respirer, conjurer, bavarder... et puis devant le corps opaque de la torture quotidienne, répéter, se répéter, deux fois, cent fois, mille fois, pour conjurer le vide, l'absence, l'appel du silence...
starir stillt um nótt
Tu ne peux pas parler mais tu ne peux pas te taire...

Langt í burt
Et le monstre aux yeux vairons, l'un rouge, l'autre vert, qui continue à te narguer en silence... muet comme les tombes...
vakir veröld stór
Où la paleur de son front ? Où ses silences gênés ? Où ses hésitations troublantes et maladroites ? Où les fulgurances de ses larmes ?
grimmum töfrum tryllt
Alors tu te roules dans le voile d'organza comme dans un sari funèbre...
eirðarlaus
Tu sens crisser sa texture un peu rêche contre tes joues...
óttast nótt og dag
Rouvrir les yeux. Regarder ton plafond et le monde au travers de ce filtre émouvant qui rend ta vision trouble...
augu þín
Comme ces lentilles colorées que tu as achetées pour voir si maquiller ton regard était un masque efficace...
óttalaus og hrein
Ne plus être toi et rester toi...
brosa við mér björt
Ton Perspex Dome...

Vonin mín
La panthère qui vit avec toi vient interrompre ta spirale descendante de son exigeance de caresses, charnelle jusqu'au bout des griffes...
blessað brosið þitt
Elle t'offre, placide, la profondeur de ses pupilles moirées pour t'y perdre et t'y ressourcer...
vekur ljóð úr værð
Elle se moque bien de tes gouffres mais elle les comble sans une once de respect, impérative et détachée...
hvílist jörð
Boule de poils contre boule de souffrance...
hljóð í örmum snæs
Qui gagnera ?
liljuhvít
Elle vibre quand tu t'évanouis, elle vit quand tu t'effaces...
lokar augum blám
Et le cyclope clignotant se tait obstinément...
litla stúlkan mín
Répondeur : 1
Vökuró : 0


mercredi, mars 16, 2005

Inventaire

  • 25° dans l'appartement, toutes baies ouvertes, voiles de lin crème volant au vent.
  • 116 morceaux d'Ani Difranco dans la playlist de Winamp, soit toute la discographie de 1998 à 2004. La tanière du hérisson en parle très bien donc je lui passe le relais pour quelques explications au sujet de la demoiselle...
  • 5 bols de café moka/chocolat (dont un pulvérisé sur l'écran à la lecture de Dom J sur le forum de Diego's Secrets).
  • 6 crêmes brûlées confectionnées pour consoler le Balrog de moi que j'ai© d'avoir raté l'épreuve de maths du brevet blanc ce matin (c'est pas du pessismisme, c'est de la logique biologique : fiston est littéraire, pas matheux. Les chats font pas des chiens...). Pourquoi le Balrog ? Parce que le matin au réveil, il ressemble à ça :

  • 3 photos scannées de Sylvie Guillem à tripatouiller avec Auto-Fx dans Paintshop Pro... et pas le courage.
  • 2 Seropram.
  • 3 Xanax.
  • 1000 allers/retours sur la webcam de Lausanne pour vérifier la couleur de son ciel.
  • 1 million de rêves.
  • Aucun avenir.

mardi, mars 15, 2005

Archéologie intime


Et toujours The Divine Comedy, discographie complète, qui tourne inlassablement dans ma playlist de winamp...
Et toujours pas les mots pour dire la soie et le velours de la voix de Neil Hannon.
Et toujours pas l'expression exacte, celle qui n'a pas de soeur jumelle, pour raconter les images, les souvenirs, les odeurs et les saveurs, âcres ou douces, qui remontent à la surface quand j'entends "Victoria falls" ou "Gin-soaked Boy".
Ne pas insister.
Attendre que le flot coule s'il doit couler.

Je feuillète un album de famille, extirpé du confiturier où je l'avais exilé.
Jaillissant des feuilles cartonnées, couleur d'ardoise, qui exhalent un souffle de l'eau de fleur à la violette de ma mère, un sourire qui m'éclabousse de la fraîcheur de ses 36 ans triomphants.
Il est toujours là, ce visage au front interminable, au nez dont la rectitude n'a rien à envier à la pyramide de Khéops.
Là, sous tous les autres, celui de 50 ans, celui de 60 ans, celui d'avant le 8 octobre dernier et l'opération qui l'a fracassé sans parvenir à en détruire totalement l'ossature parfaite, celui des 83 ans qui se reconsolide lentement.
La lumière des yeux gris est la même, avec un soupçon de mélancolie qui ne s'écoute pas gémir.
Le sourire, même déformé par la semi-paralysie, garde son ironie adoucie par une tendresse de fauve.
Le sourcil faustien est intact, ponctuant de sa ligne sinueuse ce regard qui ne fuit jamais.

Il est toujours là ce visage.
Beau pour l'éternité.
Comme le masque d'or de Toutankhamon.
Tous les visages de mon père.

lundi, mars 14, 2005

Monde parallèle

C'est une feuille de l'immense ficus benjamina posé à la tête de ton lit qui t'a réveillée en flirtant tendrement avec ton front.
Tu n'as pas ouvert les yeux. Tu as fait semblant de dormir encore. Et la feuille s'est transformée en doigts longs et fuselés, des doigts d'adolescent.
Et tu as imaginé la caresse se prolongeant, suivant la ligne de tes sourcils, effleurant les paupières, contournant tes pommettes, s'attardant sur le pourtour des lèvres après avoir dessiné l'arête du nez.
Tu l'entendais chuchoter "Réveille-toi, mon ange".
Tu as répondu "J'arrive, mon âme. Attends-moi".

Ils sont beaux ces réveils dans ta quatrième dimension.
Ils sont beaux et ils sont justes.


Post-it d'après-midi en pente douce (16:22) : ne pas oublier d'écrire une ode à The Divine Comedy à défaut de pouvoir l'inclure dans la radio "Moments de grâce".
Neil Hannon rulezzzzzzzzz !

dimanche, mars 13, 2005

Coming out

Je parlais l'autre jour des contraintes nouvelles que devaient être traitements divers et prises quotidiennes de médicaments avec mon grand Georges de père.
Il a dit quelque chose sur laquelle j'ai glissé, soit parce que je ne voulais pas, soit parce que je ne pouvais pas l'entendre.
Ça me revient maintenant comme me revient ce sentiment diffus de lâcheté en moi depuis jeudi.
En gros, il disait que pour un type de 40 ans se devait être effectivement pénible et agaçant mais qu'à son âge et pour 3 ou 4 ans, il le vivait dans une forme d'indifférence blasée, voire de je-m'en-foutisme.

POUR 3 OU 4 ANS.
Je l'ai très bien entendu et j'ai fait l'impasse.
Déni total.
Autruche.
Je suis passée à autre chose.

Alors bien sûr, je ne sais pas si son pronostic provient d'une information médicale que lui aurait donné le cancérologue ou si c'est de son initiative qu'il a calculé son espérance de vie.
Pas non plus le courage de le lui demander.
Pas encore, en tout cas.
En funambule avertie, j'ai trop peur que mes questionnements le fassent choir de son propre fil.

Donc je reste là, les bras ballants et les mains vides, avec cette lâcheté, cette fuite, cette démission, plantées dans mon coeur comme autant de dagues empoisonnées.
Malaise.

Du coup, une plaisanterie de 101010 m'a donné l'idée d'un contournement, comme une offrande à mon père pour lui demander pardon, comme une façon de me racheter pour cette inertie de la fuite : coming-out spécial "non-vies antérieures" ...
Vertige, nausée, dégoût : c'est comme si j'avalais un vomitif pour expulser un enfant mort-né.
10 contre 1 que la femme qui habite un fauteuil va sourire..

samedi, mars 12, 2005

La femme qui habite un fauteuil

Elle a deux grands yeux qui me dévorent sans m'accuser.
Elle a deux grandes oreilles aux pavillons complaisants à mes lacérations.
Elle a une petite bouche qu'elle entr'ouvre avec parcimonie et d'où ne sortent ni serpents, ni crapauds, ni diamants, ni roses.
Elle doit avoir de petits pieds sous son grand bureau mais je n'ai pas vérifié.
Elle ne me serre jamais la main quand je pénètre dans son antre mais toujours quand j'en sors.
Elle aime les tentures d'Amérique du Sud et les lumières chaudes.
Elle a une affiche du festival de rue d'Uzès qui date.
Elle a une voix dure au téléphone.
Elle promène son silence dans mes silences et leur association est d'une musicalité qui me touche..
Elle attend, comme en suspens, à l'affût de mes traversées en solitaire et de mes dégoûts en collectivité.

Elle est mon "étrangère-intime".

vendredi, mars 11, 2005

Revendication catégorielle

Hier, Papa a grimpé jusqu'à mon nid d'aigle (aimable exagération ! Quand je l'observe du haut de mon palier monter au ralenti et le dos vouté, je réalise à quel point il a physiquement vieilli. Du coup, je sais que quand il me carillonne par l'interphone, j'ai amplement le temps de lancer son expresso avant de le retrouver sur mon paillasson... mais ça ne me console pas.).

Il rentrait de "la manif"...
83 ans, cancéreux, fatigué, déprimé qui le cache, mais... il préfèrerait mourir sur pied plutôt que de renoncer à faire ses 40 kms aller/retour en voiture pour rejoindre les bataillons marcheurs !

Avec un sourire (toujours aussi en coin quoique ça s'arrange nettement du point de vue de la disymétrie de son visage), il m'a quand même avoué qu'il l'avait quittée plus tôt qu'initialement prévu et pour cause !

Une manif, surtout quand elle est d'importance, ça a comme caractéristique principale un engorgement des rues et, donc, une tendance très nette au piétinement.
Et c'est là que le bât blesse : marcher, mon Georges, il peut. Lentement, à son rythme de grand randonneur, mais il peut.
Piétiner, ça, il n'y a rien de plus pénible. Trois pas, tu pauses, deux pas, tu pauses, tu te refroidis, tu t'ankyloses, tu casses ton rythme... mais bon sang ! A quoi vous pensez les G.O. de manifs ?
Alors je lance un appel digne des beaux jours de la CNT quand elle avait encore un poil d'humour !
Exigeons des couloirs de circulation pour les vieux manifestants !
On en fait bien pour les cyclistes ou les bus, non ?
Un bon petit couloir parallèle pour marcheurs artritiques ou à la souplesse défaillante. C'est pas compliqué !

Par effet de ricochet, m'est revenu en mémoire le souvenir de ma première manif...
5 ans ! Juchée sur les épaules de ce père qui n'était ni vouté, ni faible des genoux à l'époque.
C'était une manif de protestation contre la politique de l'Education Nationale de ce temps-là, laquelle consistait à offrir aux écoles catholiques privées des enseignements et des postes du public.
Devant l'institution qui venait de récolter je ne sais combien de postes ôtés au lycée, bataille rangée.

Et oui ! A l'époque, les prêtres ressemblaient plus à l'abbé noyeur de scouts qu'au curé des routards version Perfecto et bacchantes à la Cavanna !
Nos corbeaux sortent donc en force, les manches relevées contre les hussards noirs de la République. Mon père me dépose de l'autre côté de la rue, craignant un mauvais coup.
En vain.
Les excités d'en face nous la jouent Raspoutine, goupillon et crucifix brandis, et un de ces doux oiseaux emplis de la compassion chétienne dont ils se targuent d'être les souverains détenteurs m'envoie bouler d'un méchant coup de pied dans le caniveau !
Ni une ni deux : un poil sonnée mais pas vraiment plus paniquée que ça, je me retrouve à quatre pattes sur le bitume, ne percevant de la bataille des "grands" qu'un enchevêtrement indistinct de pantalons et de jupes noires. Et là, prise autant d'une inspiration subite que d'un légitime mouvement de défense aussi basique qu'efficace, la première soutane qui me passe à portée de menottes, je la soulève, saisis le mollet pas du tout affriolant qui se dévoile.... et j'y plante mes quenottes aussi fort que je peux.
En dehors du hurlement qui a suivi et que j'ai du savourer avec délectation, cela m'a valu dans la famille et l'entourage syndical de Papa, le surnom plus que mérité de "bouffe-curé pour de vrai".

A part ça, ça n'a aucun goût le mollet de curé.
Déçevant.

jeudi, mars 10, 2005

Fugue déboussolée

En écoutant l'art de la fugue de Bach, je me suis rendue compte presque "charnellement" que, dans le contrepoint, l'écoute de la note précédente doit toujours continuer pendant le silence et que la prochaine "voix" qui va parler ne peut le faire que dans le prolongement de celle qui vient de se taire.

Dans la parole ou dans le verbe, on ne rentre pas non plus sur une dissonance : on ne recommence à "parler" qu'en consonance avec la voix précédente.

On peut se taire à n'importe quel moment, et le temps désiré, mais il est impossible de "parler" en faisant fi du lien avec les autres voix.

C'est tellement plus facile sur le chemin des rêves, l'Olorë Mallë de Tolkien.

Du coup, je retrouve ce blog comme une poule qui aurait déterré un couteau : je ne sais plus où sont les fils de soie, les fils barbelés, les fils rompus ou distendus.
Et je me sens là et ailleurs.

Je me souviens avoir dit à Hemisphère M. que je lui ferai découvrir Damien Rice.
Voilà.
On va peut-être recommencer par là. En douceur.

Repasser de pierre à chair, chemin inversé des statues des Visiteurs du Soir.
"Ce coeur qui bat, qui bat, qui bat..."


"Welcome back my friends to the show that never ends..."
Quand je serai grande, je ne veux pas être moi.