vendredi, mars 11, 2005

Revendication catégorielle

Hier, Papa a grimpé jusqu'à mon nid d'aigle (aimable exagération ! Quand je l'observe du haut de mon palier monter au ralenti et le dos vouté, je réalise à quel point il a physiquement vieilli. Du coup, je sais que quand il me carillonne par l'interphone, j'ai amplement le temps de lancer son expresso avant de le retrouver sur mon paillasson... mais ça ne me console pas.).

Il rentrait de "la manif"...
83 ans, cancéreux, fatigué, déprimé qui le cache, mais... il préfèrerait mourir sur pied plutôt que de renoncer à faire ses 40 kms aller/retour en voiture pour rejoindre les bataillons marcheurs !

Avec un sourire (toujours aussi en coin quoique ça s'arrange nettement du point de vue de la disymétrie de son visage), il m'a quand même avoué qu'il l'avait quittée plus tôt qu'initialement prévu et pour cause !

Une manif, surtout quand elle est d'importance, ça a comme caractéristique principale un engorgement des rues et, donc, une tendance très nette au piétinement.
Et c'est là que le bât blesse : marcher, mon Georges, il peut. Lentement, à son rythme de grand randonneur, mais il peut.
Piétiner, ça, il n'y a rien de plus pénible. Trois pas, tu pauses, deux pas, tu pauses, tu te refroidis, tu t'ankyloses, tu casses ton rythme... mais bon sang ! A quoi vous pensez les G.O. de manifs ?
Alors je lance un appel digne des beaux jours de la CNT quand elle avait encore un poil d'humour !
Exigeons des couloirs de circulation pour les vieux manifestants !
On en fait bien pour les cyclistes ou les bus, non ?
Un bon petit couloir parallèle pour marcheurs artritiques ou à la souplesse défaillante. C'est pas compliqué !

Par effet de ricochet, m'est revenu en mémoire le souvenir de ma première manif...
5 ans ! Juchée sur les épaules de ce père qui n'était ni vouté, ni faible des genoux à l'époque.
C'était une manif de protestation contre la politique de l'Education Nationale de ce temps-là, laquelle consistait à offrir aux écoles catholiques privées des enseignements et des postes du public.
Devant l'institution qui venait de récolter je ne sais combien de postes ôtés au lycée, bataille rangée.

Et oui ! A l'époque, les prêtres ressemblaient plus à l'abbé noyeur de scouts qu'au curé des routards version Perfecto et bacchantes à la Cavanna !
Nos corbeaux sortent donc en force, les manches relevées contre les hussards noirs de la République. Mon père me dépose de l'autre côté de la rue, craignant un mauvais coup.
En vain.
Les excités d'en face nous la jouent Raspoutine, goupillon et crucifix brandis, et un de ces doux oiseaux emplis de la compassion chétienne dont ils se targuent d'être les souverains détenteurs m'envoie bouler d'un méchant coup de pied dans le caniveau !
Ni une ni deux : un poil sonnée mais pas vraiment plus paniquée que ça, je me retrouve à quatre pattes sur le bitume, ne percevant de la bataille des "grands" qu'un enchevêtrement indistinct de pantalons et de jupes noires. Et là, prise autant d'une inspiration subite que d'un légitime mouvement de défense aussi basique qu'efficace, la première soutane qui me passe à portée de menottes, je la soulève, saisis le mollet pas du tout affriolant qui se dévoile.... et j'y plante mes quenottes aussi fort que je peux.
En dehors du hurlement qui a suivi et que j'ai du savourer avec délectation, cela m'a valu dans la famille et l'entourage syndical de Papa, le surnom plus que mérité de "bouffe-curé pour de vrai".

A part ça, ça n'a aucun goût le mollet de curé.
Déçevant.

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