lundi, juin 06, 2005

Encore un instant, monsieur le Bourreau...

J'avais cette impression bizarre, trouble, comme si sa définition-même se trouvait quelque part dans un brouillard épais et que je ne pouvais même nommer.
Il ne m'appelait pas. Ou pour dire des banalités. Pas notre genre.
Pour une des premières fois, nous avions fait "finale de Roland-Garros à part", comme un couple qui s'en veut, ou comme un attelage qui doute.
Ce matin, j'ai su pourquoi.

... /...

Georges : Ah ! Au fait, ma chérie, comme je viens à Pau demain pour diverses broutilles, je passerai si ça ne te dérange pas ?
Psyché : Pas de problèmes, Papa. Je ne bouge pas. Je dirais même plus : Youpeee !
Georges : Tant que j'y suis... on m'a trouvé une ou deux petites saloperies nouvelles sur le crâne. Mais rien de grave. On les a ratatinées à la neige carbonique et c'est plié.
Psyché : ...
Georges : Il n'y a ni à s'inquiéter ni à fantasmer, crois-moi. De toutes façons, ils savent ce qu'ils font, non ?
Psyché : ...
Georges : Bon... tu es bien là, demain ?
Psyché : Je serai là. Je t'attends.

... /...

Deux ans.
Deux ans après la première de ce qu'il appelle une petite "saloperie" et qui n'est jamais qu'un carcynome malin.
Presque un an après que l'on découvre la tumeur envahissant la totalité de sa parotide gauche.
Neuf mois après avoir eu confirmation que le premier carcynome était la conséquence et non la cause du cancer de la parotide.

J'ai l'impression que le temps rétrécit tout autour de moi, qu'il me ligote de plus en plus serré, comme une immense araignée resserrant inéluctablement sa toile.
Nausée après un précipité de rêves.
Sablier de pluies acides.

Imbécile que je suis d'avoir fini par succomber aux sirènes des optimistes de tous poils, à avoir consenti à penser qu'on aurait du temps devant nous.
Je n'aurais jamais du céder.
Je n'aurais jamais du abaisser ma garde et encore moins le pont-levis.
C'est l'âme du chateau-fort de notre survie à tous deux.

J'ai vu le Laguiole brillant dans sa robe de bois précieux et de filigranes d'argent. Placide, dormeur léger de tous les dangers à côté du clavier.
J'ai ôté la bague armure de mon index gauche, l'index "sinistre", et, lentement, j'ai fait crisser la lame sur l'entrelac bleuté pour voir si j'étais encore vivante.
Cobra royal rouge sang s'enroulant autour de la phalange.
Et j'invente un nouveau jeu feuille/ciseau/pierre.
Le serpent mange l'araignée.
Il faudrait que je trouve une mangouste.

Les touches de mon clavier sont maintenant constellées de petites coccinelles poisseuses.
Je vais me coucher.

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