mardi, mai 31, 2005

Beautiful freak

Aujourd'hui, tu savais intuitivement que le tonnerre gronderait.
Alors tu as mis tes yeux en fonction gris orage.

Tu savais que ce serait dur.
La décision était prise depuis la veille.
Pourquoi est-ce que tu as failli écrire "déchirure" au lieu de "décision" ?

Réveil 4 heures avant le rendez-vous avec la femme qui habite un fauteil.
C'était le minimum vital pour que les 2 ou 3 anxios fassent leur boulot d'avant-Kleenex.
Même si tu savais déjà que tout déborderait, que tout s'écroulerait au fil de ce que tu avais à avouer.
Mais tu te l'étais juré.

Deux secrets monstrueux.

Un qui ne passera jamais la barrière coralienne de tes dents serrées parce qu'il n'est pas le tien.
Requin "mangeur d'hommes". Même si c'est de l'ordre de la chimère ou du conte pour enfant.
Parce qu'il est celui d'O.
Parce qu'il est la seule chose qui te reste en propre de votre histoire.
Parce que tu jouis d'en être la seule dépositaire et que la jouissance est quelque chose qui t'est devenu si étranger que tu ne peux te résigner à n'en pas garder cet ultime don absolu qu'il t'a fait, à toi seule, pour toi seule au monde.
Comment renoncer à être l'unique dépositaire d'un secret aussi lourd, aussi hors de notre temps ?

L'autre.
La monstruosité de ton esprit malade et tortueux.
Le symbole du dégoût profond que tu t'inspires.
La capsule de cyanure de la Reine de L'Aigle à deux têtes de Cocteau.
Celle que tu portes en toi dans un mélange de terreur devant ce qui t'attend probablement, et de parfaite adéquation avec ce qui vous a séparé, lui et toi, parce que tu as tranché, coupé, amputé, avant l'indicible gouffre qui vous a séparé.

Et tu l'as fait.
Tu le lui as dit.
Et elle est restée stupéfaite, de toute évidence, devant une telle décision, une telle démission qui ressemble tant à de la détermination, une telle autopunition.
Tu te doutais qu'elle le vivrait ainsi.
Tu le savais mais tu ne t'attendais pas pour autant à un tel abassourdissement, ni au fait qu'elle te garde presque une heure face à elle.

Et voilà qui te confirme que ton silence a une bonne raison.
Personne ne peut comprendre ta résolution.
Personne.
Personne ne peut l'accepter.
Tu l'as sentie suffoquer sous le poids de la révélation.
Et ses questions sur ton expérience du crabe autour de toi n'étaient que les confirmations que ce que tu avais décidé d'affronter dans l'isolement et le silence absolu lui semblait abhérant, monstrueux.
Même si elle n'a jamais prononcé ces mots.
Même si elle ne t'a pas traitée de monstre.
Tu ne crois pas qu'elle le pense, au demeurant.
La seule parade quasi désespérée qu'elle t'a opposée, c'est de tenter de t'effrayer.
Te dire à quel point cette fin-là est horrible, monstrueuse. Comme une solution ultime devant cette résolution farouche qu'elle devine en toi et contre quoi elle réalise à peine qu'elle va devoir se battre jusqu'au sang.
Alors que tu te sens tellement monstrueuse qu'il te semble justement que cette fin-là est en parfaite adéquation avec ce que tu te sens être.
Pourtant, elle a du tout voir de son fauteuil.
Le pire.
Le pire du pire.
Mais tu as conscience de l'avoir ébranlée quelque part.
Et comme de coutume, tu t'en veux.
Même si elle est là pour ça.

Oui, tu nourris la mort en toi et tu la laisses prospérer sans lui opposer une quelconque résistance.
Oui, tu la souhaites et tu l'attends.
Oui, tu la vis comme la juste rétribution de ce que tu es comme de ce que tu n'as pas été capable d'être.
Oui, tu l'alimentes, la cajoles et l'espères.
Oui, elle est le symbole de ce qui t'a séparé d'O.
Oui, elle est le symbole de ce qui te rapproche de Georges.
Oui, il te tarde que la souffrance physique prenne tant de place que tu en oublies l'autre, la souffrance morale.
Ne plus souffrir pour rien ou pour personne.
Quelqu'en soit le prix à payer.

Lapidez-moi si ça vous chante.
Pour injure caractérisée à ceux qui se battent contre Lui, ce crabe qui vous terrorise tant..
Lapidez-moi si ça vous chante. Je ne vous dénie aucun droit.
Ainsi, ça viendra plus vite.

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