samedi, octobre 30, 2004

Mon géant de pierre

Psyché : Salut, père de moi ! C'est fille de toi...
Georges : Bonjour, ma grande ! Alors ? Toujours pas rapetissé ? (nota : lui comme moi nous rapprochons plus du physique elfique que du registre hobbitesque...)
Psyché : Que nenni ! Je ne suis pas une vieillarde à me tasser et me voûter comme certains...
Georges : Peau de vache, va !
Psyché : Meuuuuuuuh ! .......
Bon, c'est pas tout ça mais tu constates que je ne t'ai pas appelé avant la tombée du jour, histoire de te laisser le temps de descendre du toit où tu dois être en train de faire de la voltige à nettoyer les feuilles des gouttières ou la mousse des tuiles, c'est ça ?
Georges : C'est tout à fait ça, ma poulette ! J'attends quand même que tu arrives avec la voile de parapente pour descendre autrement que par la grande échelle.
Femme de Georges qui vient à peine de décrocher sur l'autre poste : Mais de quoi vous parlez, là ? C'est quoi cette histoire de mousse sur le toit ?
Psyché : Salut mère de moi ! Meuh noooon, maman.... on blague, voyons....
Georges : Et comme tu peux le constater, ta fille cadette persiste à n'avoir aucun respect pour son ancêtre de père grand invalide de paix et à se foutre de lui sans vergogne.
Psyché : Je vais me gêner, tiens !
Femme de Georges toujours plus paumée : Mais c'est quoi ces histoires de feuilles ?
Psyché : Maman.... laisse tomber, va.... je t'expliquerai une autre fois....
Georges : Tu veux que je te raconte combien on m'a enlevé d'agrafes, hier ? C'est ça ?
Psyché : Non merci, Papa. Les détails d'arrière-cuisine ou les dentelles de boucherie, c'est pas trop ma tasse de thé...
Femme de Georges (j'ai oublié de vous dire que ma charmante mère devient de plus en plus sourde) : Alors, il y en avait au moins dix-huit, ma chérie ! L'infirmière a commencé par le haut mais il y a en tellement qu'on en a pour des semaines à ce rythme-là et ...
Psyché : STOOOOOOOOP ! Maman ! Je ne veux pas savoir.....
Georges : Comment ça ? On te démonte ton père comme un vieux meccano rouillé et t'es même pas curieuse ?
Psyché : Le jour où on démonte ton cerveau, je veux bien être là histoire de récupérer les pièces encore utilisables, mais pour le reste, je fais l'impasse...
Georges : C'est gentil, ma chérie. Je penserai à mettre un codicille dans mon testament pour te faire la légataire de mes neurones encore valides.
Psyché : Ça va faire des jaloux, ça....
Georges : Et à part ça ? Toujours collée sur ton écran ?
Psyché : Vi.... même pas honte... tu as vu s'il faisait beau aujourd'hui ? Ben c'est aussi agréable de dedans que de dehors !
Georges : Mouais... Vivement que je ne sois plus la loque humaine que je suis devenu parce que tu n'auras plus aucune excuse pour rester enfermée comme une princesse dans son donjon. Tu ne perds rien pour attendre ! Je n'hésiterai pas une seconde à te culpabiliser à mort pour que tu m'emmènes en ballade... Je ne dis pas que je serai capable de me faire les cinq lacs d'Ayous d'une seule traite mais c'est bien le diable si on ne se trouve pas de petits dénivelés sympathiques et pas trop cruels pour les vieillards qui se tassent et se voutent...
Psyché : D'accord, Papa. On fera ça. Promis...

Et la conversation a continué comme ça une bonne demi-heure. Toujours sur le ton de la plaisanterie, de ce ping-pong verbal qui nous amuse tant.
Mais, en moi, il y avait l'autre Psyché, la sombre, qui hurlait de terreur et tu n'en as rien su, Papa...
Je voudrais tant que tu sois toujours là au printemps après la fonte des neiges, quand on pourra repartir en montagne...
Je voudrais tant.
Si tu savais ce que je m'accroche à cette idée...
Penser que je puisse monter jusqu'au dernier des lacs d'Ayous, sans toi, c'est aussi penser ne pas en descendre, tout court.
S'asseoir sous la lune face au Géant de Pierre, le Pic du Midi d'Ossau.
Rejoindre la pierre volcanique, la terre.
M'y fondre et enfin y reposer une dernière fois ma tête lasse.


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