Réveillée trop tôt par la voisine du dessous et son aspirateur diabolique dont elle use des heures en le faisant crisser sur le carrelage. A ce point de nuisance sonore et de bêtise conjuguées (il faut quand même être furieusement stupide pour ne PAS enclencher le patin adéquat quand on navigue sur une surface lisse, non ?), j'ai carrément dépassé le stade de la haine pour entrer dans la phase ô combien plus grave du mépris...
J'ai juste eu les yeux suffisamment en face des trous pour lancer le double de Grace Legacy Edition de Jeff Buckley, suivi de Live in Sin-é... Non pas que ce soit largement mieux que les oeuvres originales mais, au moins, j'en ai pour 4 heures de musique non-stop sans avoir à me préoccuper de toucher à quoique ce soit.
Fatiguée...
J'ai fait un rêve troublant cette nuit.
Non pas que le fait de ne pas le comprendre me perturbe (j'en ai l'habitude) mais je ne vois pas bien ce qui l'a suscité, quels en ont été les déclencheurs.
D'abord, je n'étais ni une fille, ni un garçon.
Je ne sais fichtrement pas ce que j'étais mais je suis certaine que je n'étais ni mâle ni femelle et ça ne me gênait pas plus que ça.
Mon apparence n'était pas fondamentalement différente quoiqu'un peu plus éthérée, transparente. Drapée de blanc, moi qui ne me vêt que de noir. C'était déjà un signe...
Rêve muet, sans son, sans bruits.
J'entrais dans une salle haute, entourée de colonnes étranges parce que changeantes dès que je portais le regard sur elles. Tantôt carrées, tantôt lisses, tantôt cannelées soit de lignes droites, soit de spirales, couleurs qui se modifiaient suivant un éclairage qui semblait provenir de l'intérieur-même, de la matière des hauts piliers mouvants... A tel point que je n'osais plus relever la tête pour les regarder tant elles me donnaient l'impression de vaciller, d'être au bord de la nausée.
La salle était vide, sans mobilier, mais au sol, un grand tapis épais tissé de motifs compliqués mais, Dieux merci !, figés, eux.
Mon père y était allongé, à moitié redressé sur un coussin, en appui sur l'avant-bras, une jambe allongée, l'autre en crochet. Une pose de convive grec ou romain. Une pose impossible, surtout !
Mon père est raide comme une planche depuis des années et candidat facile au lumbago s'il essayait de tenir ce genre d'attitude plus de 10 minutes. Je doute même qu'à son âge et à l'heure qu'il est, il soit même capable de la prendre, cette pose d'odalisque nonchalante !
Pourtant c'était bien lui tel qu'il est maintenant, physiquement, lui et son corps d'octogénaire. Néanmoins, il se tenait comme quand il avait la trentaine triomphante.
Devant lui, il y avait le plateau d'un jeu inconnu, entre l'échiquier et le go ou n'importe quel autre de ce style.
Des yeux, il me souriait et m'invitait à prendre place face à lui. En silence.
On entamait la partie sans que je sache le moins du monde qu'elles étaient les règles. Ça non plus, ça n'avait pas l'air de me gêner. Je jouais. Voilà tout.
A chaque fois que je perdais, Papa faisait une petite grimace triste, rattrapée par un demi-sourire à mon endroit, et portait à ses lèvres un minuscule bol de forme conique, moitié blanc pur et brillant, moitié noir mat, et en buvait une gorgée non sans grimacer de nouveau.
Quand je gagnais enfin un coup, c'était à moi de boire.
A la première gorgée, épouvantablement amère, j'eu l'intuition irrémédiable que c'était une forme de poison. Je l'ai regardé, étonnée (il en avait déja bu plusieurs) et il s'est contenté de hausser les épaules d'un mouvement à la fois résigné et indifférent.
Après, tout se brouille.
Le dernier souvenir vague qui me reste, c'est mon acharnement à ne surtout pas perdre pour empêcher mon père de boire à cette coupe infernale, tout en sachant que si je gagne, c'est moi qui avale le poison.
Et plus j'y bois, plus ma tête se fait lourde, plus tout devient brouillard mouvant autour de moi. Comme si mon corps rejoignait les colonnes et s'y incrustait.
Après, je ne me souviens plus mais je crois bien que je continue à gagner sous les yeux de mon père.
Ses yeux remplis de larmes.
samedi, octobre 30, 2004
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