vendredi, octobre 22, 2004

Douceur inespérée

Il était prêt avant l'heure, bien entendu !
Retour dans une lumière douce, conversation tranquille dans la voiture.
Maman, guettant derrière la fenêtre de son bureau...
J'aurais presque pu entendre le soupir de soulagement qu'il eut si elle ne nous avait sauté dessus comme la misère sur le monde !
Il était de nouveau chez lui, de nouveau dans son bureau, au milieu de ses livres, de ses cartes de montagnes, de ses photos de randonnées qui parsèment les murs...
Comme c'était la seconde fois que nous retournions de la polyclinique vers la maison familiale, Maman était moins fébrile, moins pénible, moins anxieuse... soulagement.
Apérif léger et frais dans la cuisine, repas calme en prenant son temps : c'était plaisant, reposant.
Je ne sais pas si le temps exceptionnellement doux et ensoleillé y est pour quelque chose mais l'atmosphère était de la même couleur...
Odeur d'herbe coupée dans le jardin, lézards qui courrent sur les dalles chaudes, derniers dalhias, dernières roses...
J'ai filé voir les planches de framboisiers. Accroupie dans la terre, j'ai fouillé sous le feuillage sombre et un peu rêche jusqu'à ce que mes doigts tombent sur les merveilles duveteuses dont les grains bien mûrs se détachaient au plus simple effleurement. Les laisser fondre sur la langue en fermant les yeux et lécher le bout des doigts maculés du sang du fruit.
Et puis le thym, et puis le romarin, et puis la ciboulette...

Revenir auprès d'eux dans le salon, une fois que Papa en avait terminé avec le courrier en instance, les journaux à classer...
Je ne sais pas pourquoi nous en sommes venus à parler de sa jeunesse militante... probablement en sautant du coq à l'âne comme d'habitude !
Probablement aussi parce que, ces derniers temps, j'ai envie de savoir plus que la légende, la vérité...
Je veux savoir si ma mythologie a une base et quelle elle est. Quitte à découvrir que je me suis trompée ou que j'ai inventé.
Ça n'a pas d'importance : je veux des souvenirs réels.
Je veux que ce soit son mémorial, pas mes fantasmes de gamine tentée par l'hagiographie oedipienne.

Retour vers mon donjon et ma claustration silencieuse en fin d'après-midi.
A peine une douleur sourde : lui qui s'enfuit inéluctablement, O. absent, dont le silence a déjà creusé le vide de la tombe en moi.
Comme le crissement d'une craie sur le tableau qui erraille l'or sombre et flamboyant de ce si doux crépuscule d'Octobre.

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