vendredi, novembre 19, 2004

Lost in la Mancha



Vous n'arrivez pas à dormir entre le ressassement de vos échecs intimes, les restes d'une gueule de bois, vos conduits lacrymaux dont les vannes ont bêtement lâché ?
Une seule solution : glisser la galette magique dans le lecteur et plonger dans un vrai désastre même pas annoncé, "Lost in La Mancha", cet anti making off de ce qui aurait du être un film formidable signé Terry Gillian...
Dans le genre relativisme qui s'impose, on ne fait guère mieux.

En dehors du fait que cette histoire, malgré la tristesse qu'elle porte en elle, est racontée de façon jubilatoire (ce qui est quand même le moindre des exploits), on y apprend des tas de choses essentielles sur l'arrière-cuisine où se mitonne un film et dont on n'a pas forcément conscience quand on se perd dans le merveilleux d'un monde qui défile sur écran noir...

Mais ce qui m'a le plus frappée, c'est Terry Gillian lui-même. Ce type qui, visiblement, possède une énergie, une jubilation hors du commun, on le voit progressivement se déliter au fil des coups durs. Les semaines passent, les jours passent, et cette force qui marche et entraîne des centaines de personnes à sa suite sans se départir de son rire, de sa gentillesse, de son sens du jeu, du ludique, on la voit, tout à la fin, se fissurer sous les coups de bouttoir de la poisse absolue.
Ça vient presque sans prévenir.
Tout à coup, presque au dernier moment, acculé, on a l'impression qu'il décroche, qu'il baisse les bras.
Et le plus étonnant, c'est sa reflexion finale. Il ne sait pas s'il relancera cette machine qu'il porte en lui depuis 10 ans, ce projet de rêve de gosse.
Et il en vient à se demander, avec un sourire las, si ce n'est finalement pas une bonne chose, si son film n'est pas mieux, plus abouti, tel qu'il est dans sa tête depuis une décade, plans après plans, story-book virtuel dont il est l'unique réceptacle.

Je comprends ça.
Son histoire rêvée est parfaite. Elle n'a presque plus besoin de la réalité et du partage avec un public.
Il la porte en lui.
Autre façon de vivre sans exister.

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