mardi, novembre 16, 2004

Les mots en moins

Inquiétant silence de l'obscurité, de l'obscurité d'un visage, d'un regard, d'un corps, d'un lieu, de la raison et de la folie.
Tu te souviens de ces moments-là, dans la chambre aux volets hermétiquement clos d'où ne filtrait nulle lumière.
Tes yeux avides qui ne cherchent même plus d'autres yeux invisibles, bouches d'ombre.
Parce qu'il y a la voix.
Juste la voix.

La parole qui repousse le moment de solitude, de l'angoisse, de l'absence, de la mort. Le trait de lumière du mot prononcé qui se pose sur vos bouches accrochées, suspendues à la moindre parole, appelant lèvres tendues la présence de l'autre.
Et les ténèbres noires deviennent clarté.

Depuis que le silence a déposé son voile d'obscurité, tu sais que c'est vers cette solitude, vers cette absence de l'autre, à l'autre, que tu chemines. Depuis une rive jusqu'à l'autre, de ton lac à son lac, funambule sans filet, sur un fil tendu entre le silence et le silence.
Entre ton silence et son silence.

Tu t'es crue préparée à la perspective d'une ponctuation finale, celle de l'autre, la tienne.
Fatale imprudence.
Et tu rêves d'entendre de nouveau les murmures qui disent que la séparation n'a pas encore eu lieu. Parce que, une fois faite, plus de mots pour la dire. Tant qu'il y a parole, le point final est repoussé, différé sur la ligne suivante, sur le jour suivant, sur la seconde qui suit.
Alors tu uses et abuses des points de suspension dans le vide au creux des mots écrits et tus.

Et tu as découvert que le silence ne se partageait pas. Déchirure intime sans point de rencontre.
Rencontre avec ton inquiétant silence, ton familier silence autour duquel tu tournes, sans le comprendre vraiment, auprès duquel tu as compris que le dernier mot ne t'appartiendrait pas.
Il lui revient.

Tu n'entendras pas le silence.
C'est lui qui, penché sur toi, t'entend.

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