vendredi, juillet 08, 2005

Bombes d'hier et d'aujourd'hui

Bien sûr qu'il n'est pas question de minimiser quoi que ce soit ! Bien sûr !
Ce serait autant de mauvais goût qu'un Delanoë, qu'on a connu plus élégant, crachoter avec aigreur que si Paris a perdu c'est par excès de fair-play (du genre suivez mon regard vers les méchants brittons qui auraient donc excellé en coups bas et lobbying pas gentil ! Tu parles, Charles ! ).

N'empêche que c'est gênant cette couverture médiatique tout dans l'émotionnel, qui tient des heures et des heures d'antenne sans te donner plus d'infos qu'elle n'aurait pu le faire en 15 minutes, et qui s'appesantit sur les mêmes images en boucle d'ambulances jaune citron, de rues bloquées, de visages noircis, de micro-trottoirs qui ne t'apprennent strictement rien et qui cherchent juste à t'embarquer dans ce maelstrom de communion compassionnelle.
Désolée, je n'appelle pas ça de l'info.
Pas plus que ne l'étaient les images du 11/9/2001, comme des commémorations obligées à chaque anniversaire depuis...

Plusieurs choses : quand des bombes explosent à Casablanca ou en Turquie et à moins que ce ne soit des touristes occidentaux qui en soient les victimes, on en fait nettement moins...
Quand les morts sont australiens à Bali, anglais à Ankara, italiens à Casablanca, les télés ouvrent un oeil nettement plus attentif.
Un peu comme quand des tsunamis fauchent quelques centaines de vacanciers occidentaux et plusieurs centaines de milliers d'autochtones nettement moins intéressants.
Bah ! Rien de bien nouveau sous le soleil, me direz-vous !
Les soudanais, femmes, enfants, vieillards qui continuent à mourir en silence, par milliers, des années après, à cause de la destruction terroriste de la seule usine pharmaceutique de leur pays par les bombardiers de Clinton, on ne les a pas vu envahir nos petites lucarnes, n'est-ce-pas ?
Faut dire qu'il nous faudrait un petit effort d'imagination pour s'identifier à ces femmes noires en loques et ces gamins bronzés en haillons, crevant de paludisme et de tuberculose !
C'est tellement plus facile de se reconnaître dans la petite blonde australienne en pleurs sur le trottoir d'une discothèque, dans le pompier new-yorkais épuisé et ravagé, regard perdu sur des décombres fumantes, dans l'ouvrier hébété, noirci de suie, titubant hors d'une gare madrilène ou londonienne...
Parce que ce pourrait être nous. On a les mêmes vies, les mêmes préoccupations...
Alors que se reconnaître dans un pêcheur indonésien, un berger soudanais ou un vendeur de kebab turc, c'est déjà plus coton !

Et puis, il y a aussi cette mémoire sélective...
Les attentats d'Atocha ont certes été parmi les plus meurtriers en Europe occidentale.
Mais on oublie les attentats de Moscou...
Et on oublie aussi le carnage de la gare de Bologne en 1980, avec ses 85 morts et ses centaines de blessés.... il faut dire que là, c'était l'oeuvre de l'extrême-droite et de la loge P2... ne mélangeons pas les torchons et les serviettes...
Et n'allons surtout pas rappeler que la barbarie qui consiste à mépriser la vie humaine dans des attentats aveugles n'est pas l'apanage de nos nouveaux diables islamistes.

C'est vrai quoi ! Il paraît que c'est nous les gentils civilisés au mode de vie exemplaire et incontournable.
Et eux, les méchants barbus sortis du Moyen-Âge...
Eux et rien qu'eux...
N'allons surtout pas travailler les nuances de gris. C'est si confortable, le noir et blanc bien tranché...

Après les célébrations de la libération des camps et malgré tout le travail de pédagogie qui a été fait à cette occasion, j'ai bien l'impression que l'homo occidentalis a toujours autant la mémoire courte et l'indignation sélective.

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